… Tout d’abord, il importe d’apporter des précisions sur les terminologies utilisées.
Qu’appelle-t-on eaux usées ?
D’origine domestique, industrielle ou agricole, elles sont de nature à polluer les milieux dans lesquels elles seraient déversées.
On distingue trois grandes familles :
1) Les eaux usées domestiques : qu’on sépare en deux catégories à savoir les eaux ménagères (salle de bain et cuisine) et les eaux-vannes (rejet de toilettes)
2) Les eaux usées industrielles qui, a priori, doivent faire l’objet d’un prétraitement de la part des industriels avant d’être rejetées dans les réseaux de collecte, dû à leur teneur en produits toxiques, métaux lourds. Leurs caractéristiques varient d’une industrie à l’autre.
3) Les eaux pluviales et de ruissellement : se chargent d’impuretés au contact de l’air pollué, et de résidus en ruisselant sur les toits et chaussées.
Par souci de protection de l’environnement, celles-ci sont collectées par un réseau d’assainissement complexe pour être traitées dans une station d’épuration avant d’être rejetées dans le milieu naturel ou pour avoir une seconde vie, auquel cas on parlerait de recyclage des eaux usées.
Qu’est ce que le traitement des eaux usées ?
Schématiquement, les principales étapes par lesquelles passent les eaux usées de l’entrée de l’usine jusqu’au rejet sont les suivantes :
1) Le prétraitement qui englobe le dégrillage-tamisage*, le dessablage* et le dégraissage-déshuilage*.
2) Le traitement primaire implique la décantation*
3) Le traitement biologique
4) Les traitements complémentaires qui permettent une épuration plus poussée notamment lorsque le milieu récepteur l’exige comme c’est le cas des zones de baignade, et se font à travers la filtration sur lit de sable, la désinfection par oxydation, l’élimination de l’azote et du phosphore
5) Le traitement des boues*
Selon un journal national1, le Ministre de l’Intérieur a émis des ordres aux autorités locales autour de l’utilisation de ces eaux usées si elles n’ont pas été préalablement reconnues épurées et conformes à la norme en vigueur notamment la loi 36/15 sur l’eau, le décret n°2-97-875 du 6 Chaoual 1418 (4 février 1998) relatif à l’utilisation des eaux usées et l’arrêté n°1276-01 du 10 Chaâbane 1423 (17 octobre 2002) fixant les normes de qualité des eaux destinées à l’irrigation.
Elles seraient, selon des études scientifiques2 réalisées aux Pays-Bas, vecteur de contamination, puisque des traces de Covid-19 ont été trouvées dans les eaux usagées avant même le début de l’épidémie.
Vous l’aurez bien compris, le traitement des eaux usées est vitale pour sauvegarder un environnement récepteur sain et une meilleure santé publique. Mais il existe d’autres applications que pourraient recevoir ces eaux une fois dépolluées, et répondant à des critères de qualité rigoureux. Il ne s’agit évidemment pas d’en faire des eaux de boisson, mais d’autres secteurs pourraient y avoir recours au lieu de l’eau potable, pour réaliser des économies. À l’instar de l’irrigation agricole, de l’arrosage des espaces verts et nettoyage des rues et mobilier urbain, la lutte contre les incendies. La ville de Mexico, à titre d’exemple, réutilise presque la totalité de ses eaux usées dans l’irrigation.
La réutilisation des eaux usées reste très embryonnaire au Maroc, bien que les autorités soient conscientes de l’enjeu et des nombreux avantages que celle-ci représente pour la santé humaine, le développement économique de par la création de nouvelles opportunités commerciales et d’emplois « verts »*. Ainsi, les coûts de gestion de ces eaux seraient largement compensés.
Effectivement, l’accroissement de la population s’accompagne de celui de ses besoins en eau, qui plus est, le régime alimentaire tend davantage à la consommation de « produits aquivores », il est alors pressant d’améliorer la gestion des ressources hydriques limitées en valorisant les eaux usées pour leur immense potentiel, sans quoi on risquerait d’assister, dans le futur, à des recrudescences d’inégalités sociales, et par conséquent, à des troubles sociaux. Le temps est venu de changer notre attitude à l’égard des eaux usées. Le Maroc est parmi les régions où il y a une importante carence d’eau, d’autant plus que plusieurs facteurs auront un impact considérable sur la disponibilité de celle-ci, notamment, le réchauffement climatique, la démographie croissante, le développement industriel et l’urbanisation.
Nous vous proposons plus bas, quelques chiffres et statistiques concernant le secteur au Maroc. Pour certaines données, nous ne disposons d’informations que pour une seule année. Il est alors impossible d’envisager la tendance ou l’évolution de celui-ci. Précisons également que dans certains cas, ces chiffres ne sont que des estimations et ne représentent dons jamais parfaitement la réalité. Reste que pour que comprendre le réel, ces estimations demeurent précieuses. D’abord, pour nous, en tant que professionnels de l’eau dans notre processus de veille, et bien entendu pour le public, dans un souci d’information et de sensibilisation.
L’eau au Maroc en chiffres :
145 grands barrages et un programme visant à atteindre 179 barrages en 2027.
20 février 2020 : Taux de remplissage des barrages nationaux ne dépassant pas 48,3%, contre 63,5% à la même date de l’année dernière. Retenues des principaux barrages nationaux, tous usages confondus, de 7,52 milliards de m3, comparés aux 9,4 milliards de m3 de l’année dernière.
5 stations de dessalement d’eau de mer
Usine de dessalement de l’eau de mer d’Agadir : Capacité de 275000 m3 par jour, extensible à 450000 m3 par jour. Dotée de réservoirs de stockage de l’eau potable, de 5 stations de pompage et de 22 km de conduites et de 490 km de réseaux de distribution.
66 stations de traitement d’eau
117 stations d’épuration des eaux usées (STEP)
95% des Marocains sont raccordés au réseau d’eau potable, 72% eu réseau d’assainissement
750 M m3 d’eaux usées sont produites chaque année (d’origines domestique, agricole et industrielle)
21% des eaux usées générées sont traités, tandis que 79 % sont rejetés à l’état brut dans le milieu naturel : 54% dans l’Atlantique, 41,5% dans les oueds et rivières et 4,5% dans la Méditerranée.
Pour des informations « pointues », il convient de visiter les sites d’organismes indiqués dans la bibliographie, ou encore l’AQUASTAT*, la source de données statistiques mondiales sur l’eau la plus complète, gérée par la FAO (Food and Agriculture Organization for the United States).
Bibliographie :
1Coronavirus dans les eaux usées : l’Intérieur interdit leur utilisation avant traitement
https://telquel.ma/2020/05/05/coronavirus-dans-les-eaux-usees-linterieur-interdit-leur-utilisation-avant-traitement_1682491
2Coronavirus et eaux usées : études scientifiques aux Pays-Bas
https://fr.euronews.com/2020/04/02/covid-19-et-eaux-usees-etudes-scientifiques-aux-pays-bas
Glossaire :
AQUASTAT : est le système mondial d’information de la FAO sur les ressources en eau et la gestion de l’eau agricole. Il collecte, analyse et fournit un accès gratuit à plus de 180 variables et indicateurs par pays à partir de 1960. AQUASTAT s’appuie sur les capacités et les compétences nationales en mettant l’accent sur l’Afrique, le Proche-Orient, les pays de l’Union soviétique, l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes. AQUASTAT joue un rôle clé dans le suivi de l’Objectif de développement durable 6, qui vise à « assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous », et en particulier des indicateurs de la cible 6.4 relatifs au stress hydriques et à l’efficacité de l’utilisation de l’eau.
Décantation : Effet de séparation, sous l’effet de la gravitation de plusieurs phases non-miscibles dont l’une au moins est liquide ou gazeuse. On peut ainsi séparer soit plusieurs liquides non-miscibles de densités différentes
Dégraissage-déshuilage : Opérations consistant à séparer les produits de densité légèrement inférieure à celle de l’eau, par effet de flottation.
Dégrillage-tamisage : Constituent l’étape du traitement primaire où les déchets grossiers et les particules non désirables sont séparés de l’eau usée avant traitement dans la station d’épuration. Cela diminue le risque d’encrassement et de dommage envers la tuyauterie et les vannes. La charge envoyée à la STEP est ainsi également réduite.
Dessablage : Opération consistant à en lever le sable, et autres matières abrasives, qui pourraient endommager les équipements mécaniques et embourber ainsi les canaux.
Traitement des boues : Aussi bien pour le traitement des eaux usées biologiques que physico-chimiques des boues sont générées, qui doivent être séparées des eaux usées traitées et ensuite éliminées du système. Une boue d’épuration est un déchet produit par une station d’épuration. Elle contient des matières minérales et organiques. Sa composition peut varier suivant le mode de traitement des effluents et selon le secteur dans lequel l’eau a été utilisée (nucléaire, alimentaire,…). L’eau traitée peut aussi bien provenir d’usines, d’eaux pluviales, que de foyers. Elles se répartissent en 4 variétés : les boues primaires, les boues psycho-chimiques, les boues biologiques et les boues mixtes.
Emplois verts : à l’échelle de l’entreprise, les emplois verts peuvent produire des biens ou proposer des services respectueux de l’environnement, notamment des bâtiments écologiques ou des moyens de transport non polluants.